Synthèse des résultats
Sur les années 2024 et 2025, le Cerema, en partenariat avec le SMBVAS, a conduit une étude de recherche et développement visant à proposer un outil pour identifier le potentiel de désimperméabilisation et de renaturation sur le territoire de la ville de Barentin, offrant une réponse possible pour s’adapter au changement climatique.
L’approche s’appuie sur une analyse détaillée de la trame verte et bleue à l’échelle communale pour mettre en évidence l’ossature des trames écologiques et prioriser les secteurs favorisant la biodiversité. Des enjeux spécifiques au territoire sont analysés, à savoir la limitation des risques de ruissellement et d’inondation, l’optimisation de la gestion des eaux pluviales, l’intégration de la nature en milieu urbain pour améliorer le cadre de vie et la diminution des effets des îlots de chaleur urbains. La spatialisation de ces éléments et la mise en perspective de leur évolution au regard du changement climatique servent de base pour cibler les secteurs du territoire les plus opportuns à la désimperméabilisation et/ou à la renaturation.
Des corridors écologiques à haute valeur pour la biodiversité
La déclinaison de la TVB sur la commune de Barentin permet d’améliorer la connaissance quant à la mosaïque de paysages qui compose le territoire.
En effet, la première étape de cette déclinaison est une photographie des habitats naturels et urbanisés avec une finesse cartographique encore jamais obtenue. Cette dernière souligne le fait que la commune de Barentin est certes un territoire urbanisé mais qu’il présente encore de vastes zones naturelles insoupçonnées de prime abord.
Cœur de cette phase 1, la TVB met quant à elle en évidence les zones les plus riches en termes de biodiversité : les réservoirs de biodiversité et les zones où les espèces animales et végétales peuvent se déplacer : les corridors écologiques.
De surcroît, ce diagnostic permet d’obtenir des premières réponses sur la fonctionnalité du territoire, à savoir les zones qui semblent fonctionnelles pour la biodiversité : les réservoirs et les noyaux de biodiversité ainsi que les corridors écologiques à préserver et celles qui le sont moins voire non fonctionnelles : les corridors écologiques à renforcer et ceux à restaurer.
Ce diagnostic fonctionnel s’accompagne de l’identification des éléments qui fragmentent le territoire pour en comprendre la cause et ainsi orienter les moyens d’actions pour les résorber. Les éléments fragmentants sont les facteurs qui interrompent les continuités écologiques, empêchant le déplacement, la reproduction, l’alimentation et la survie des espèces. Ces derniers peuvent être de plusieurs natures : obstacles à l’écoulement, infrastructures de transport, urbanisation, pratiques agricoles intensives…
Sur la commune, l’essentiel des zones fragmentées s’explique par les infrastructures de transport, notamment routières et ferroviaires, et les obtstacles à l’écoulement le long de l’Austreberthe.
Dans la même optique, le travail de définition de la trame urbaine souligne les espaces de nature les plus riches: les noyaux de biodiversité et les couloirs de déplacement entre ces patchs naturels : les corridors écologiques.
Ainsi, l’identification de la TVB et de la trame urbaine sur le territoire de Barentin permet de dresser un premier état des lieux de la fonctionnalité du territoire tout en mettant en évidence les zones nécessitant un diagnostic plus approfondi pour renforcer cette fonctionnalité.
Un territoire végétalisé et pourvu en espaces de nature publics mais présentant des disparités
Le diagnostic “nature en ville et cadre de vie” de la commune fait ressortir un territoire plutôt végétalisé et naturel avec la présence de plusieurs forêts, la majorité étant privées, et d’un cours d’eau traversant le territoire. Ainsi une grande partie des habitants vivent à proximité directe d’espaces végétalisés et d’espaces de nature facilement accessibles.
Néanmoins, ce diagnostic identifie également des zones qui ne respectent pas les règles des “30 et 300” (30% de végétation, distance de 300 mètres d’un espace vert). Ainsi, en dehors des zones proches des forêts, la plupart des espaces étudiés présentent moins de 30% de végétation, que ce soit dans le centre-ville ou dans les quartiers pavillonnaires. De plus certains autres quartiers pavillonnaires et les zones d’activités (peu habitées mais très fréquentées par des usagers et des employés) n’atteignent même pas les 15% de couverture végétale.
En ce qui concerne l’offre d’espaces de nature accessibles au public, la majorité des espaces d’habitation semble bien équipée, néanmoins ce bon résultat à la règle des 300 mètres est surtout dû à la présence des rives de l’Austreberthe et de quelques parcs, qui ne suffisent pas forcément à répondre à la demande en termes de dimensionnement. Le parcours le long de l’Austreberthe est fragmenté et minéral malgré la présence de quelques cheminements piétons qualitatifs.
Il est à noter également que les deux zones d’activités ne disposent d’aucun espace de nature public à proximité. D’autre part, les zones pavillonnaires qui offrent à leurs habitants des espaces extérieurs privés sont bien souvent situées loin des espaces publics, ne sont pas toujours très végétalisés et sont souvent de taille modeste. Les ménages ne peuvent donc pas profiter des bienfaits sociaux de ce type d’espace public voire parfois de proximité avec la nature. La présence d’espaces naturels publics constitue un réel apport pour la qualité de vie.
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Des enjeux hétérogènes accentués par les impacts du changement climatique
La spatialisation des enjeux sur le territoire et l’étude des données de références sur le changement climatique permettent d’ajouter une dimension prospective aux résultats. Le tableau et la carte ci-dessous présentent ainsi les évolutions prévisibles sur le territoire si aucune action n’est menée.
| Paramètre | Tendance | Effet sur le territoire | Besoins et opportunité associés |
|---|---|---|---|
| Température | ↑ nb jours de forte chaleur | ↑ surchauffe urbaine | ↑ Besoins en rafraîchissement |
| Sécheresse | ↑ nb de jours de sol sec | ↑ risque de ruissellement et stress hydrique | ↑ Besoin d’infiltration et d’arrosage |
| Humidité des sols | ↓ en été | ↑ risque de ruissellement en été | ↑ Besoins d’infiltration, opportunité de stockage et d’arrosage |
| Evapotranspiration Potentielle* | ↑ à moyen et long terme | ↑ des besoins en eau des sols pour la végétation | ↑ Besoins d’infiltration, opportunité de stockage et d’arrosage |
- L’évapotranspiration potentielle est définie comme la quantité d’évaporation qui pourrait se produire en cas d’approvisionnement en eau suffisant pour la végétation du territoire.
Un fort potentiel de désimperméabilisation malgré la présence de nombreuses cavités
La majorité des sols non imperméabilisés de Barentin est favorable à l’infiltration de l’eau, allant de moyennement à très perméable. Cette évaluation est fondée sur des données de texture de sol et des référentiels pédologiques et hydrogéologiques.
Cependant, le territoire présente une diversité marquée de critères environnementaux qui peuvent constituer des contraintes à l’infiltration malgré la perméabilité des sols :
- des pentes marquées sur les coteaux, qui peuvent causer des phénomènes d’exfiltration et d’érosion,
- quelques sites et sols pollués, qui risquent de contaminer les nappes, présents le long de l’Austreberthe,
- le potentiel retrait-gonflement des argiles avec des aléas de niveau moyen situés sur les plateaux,
- les cavités souterraines, posant des risques de sécurité; cette contrainte est particulièrement présente sur le territoire de la commune au niveau des anciennes terres agricoles,
- les remontées de nappe et les sols hydromorphes dans la vallée de l’Austreberthe, limitant l’infiltration dans certaines zones; ce phénomène est à prendre en compte mais il traduit également la nécessité de mener des réflexions pour laisser plus d’espace au lit de l’Austreberthe.
Le croisement de la perméabilité et de ces critères environnementaux permet une hiérarchisation des zones potentielles d’infiltration pour l’ensemble de la commune. L’étude propose de se concentrer sur les zones majoritairement imperméabilisées, en masquant les zones suffisamment végétalisées. La carte ci-dessus présente ainsi les zones plus opportunes pour des projets de désimperméabilisation.
Plusieurs secteurs sont identifiés comme particulièrement appropriés pour la désimperméabilisation : le Mesnil-Roux et la Carbonnière, le Quartier Papin, le centre-ville, la zone d’activité du Hoquet et une partie de la Vallée Nord. Ces secteurs sont caractérisés par des sols perméables et peu de contraintes.
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🌍 ️Une carte interactive est disponible pour explorer ces résultats, accompagner les réflexions et intégrer un volet désimperméabilisation à chaque projet avec une échelle de couleurs, allant du vert foncé (potentiel d’infiltration élevé) au jaune orangé (potentiel d’infiltration faible)…
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Des opportunités pour la renaturation au croisement d’enjeux clefs
Les données des premières phases d’études permettent de spatialiser les zones sur lesquelles des actions ciblées peuvent permettre :
- la reconquête de la naturalité et de la continuité écologique,
- l’amélioration du cadre de vie et le développement de la nature en milieu urbain,
- l’atténuation des risques d’inondation,
- la diminution des effets des îlots de chaleur.
La superposition de ces enjeux permet de mettre en évidence des secteurs concernés par plusieurs problématiques.
La vallée de l’Austreberthe ressort particulièrement de cette analyse.
Cette mise en évidence est accentuée par deux analyses complémentaires : les sols à préserver et les espaces difficilement mutables qui peuvent aider les collectivités et pouvoirs public à cibler leurs interventions.
La carte de synthèse du ciblage du potentiel de renaturation, avec son approche multi-enjeux, permet de mettre en évidence les multiples effets qu’auraient des actions de renaturation. Il convient cependant de garder à l’esprit que certaines zones, bien qu’elles ne présentent qu’un ou deux enjeux, restent tout à fait stratégiques. Par exemple, certains secteurs fonctionnent avec un couple d’enjeux : continuités écologiques et topographie propice aux ruissellements de part et d’autre de la voie ferrée (partie Est), cadre de vie et naissance des axes de ruissellement dans le quartier Boieldieu ou encore manque de végétation et îlots de chaleur sur la zone d’activité du Mesnil-Roux.
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Conclusion et perspectives
La déclinaison de la trame verte et bleue par le biais de trois sous-trames écologiques permet de mettre en évidence les réservoirs et corridors à préserver ainsi que les discontinuités écologiques. Les corridors à renforcer ou restaurer se situent principalement autour des infrastructures routières et ferroviaires et le long de l’Austreberthe. Le territoire est globalement végétalisé et naturel mais une disparité est observée quant à la proximité d’accès à des espaces publics de nature. Le parcours de l’Austreberthe, fragmenté et fortement minéral, et l’absence d’espace de nature public au niveau des zones d’activité font ressortir des enjeux de reconquête de la qualité de vie par le biais de la nature en ville. Les perspectives d’évolution climatique mettent en avant des besoins de rafraichissement, d’infiltration, de stockage et d’arrosage qui dépendent de la nature des quartiers existants. Le croisement de la perméabilité des sols, des différents critères environnementaux et du niveau d’imperméabilisation des surfaces, permet de faire ressortir les zones les plus opportunes pour des actions de désimperméabilisation. La superposition des enjeux étudiés permet quant à elle de mettre en évidence des secteurs concernés par plusieurs problématiques, en particulier la vallée de l’Austreberthe.
Les résultats proposés, qu’il s’agisse de la synthèse multi-enjeux ou de l’analyse par enjeu, doivent être vus avant tout comme des outils de sensibilisation auprès des différents services et structures concernées. La mise en oeuvre opérationnelle d’actions de renaturation ou de désimperméabilisation ne passe pas nécessairement par des projets de grande ampleur mais peut être déclinée par des projets de moindre envergure donc plus facilement réalisables notamment d’un point de vue financier, pour lesquels l’intégration des problématiques écologiques est réalisée dès le début, en impliquant le maximum d’acteurs.
Pour approfondir la réflexion sur cette thématique, le mémoire de stage “les solutions fondées sur la nature, vers une approche opérationnelle de l’acceptabilité sociale en aménagement”, mené de février à juillet 2025 au Cerema, apporte des éléments complémentaires autour de l’acceptabilité des solutions techniques envisageables sur le territoire d’étude.
De nombreuses solutions techniques existent pour renaturer, désimperméabiliser, revégétaliser l’espace urbain et leur acceptabilité sociale renforcera leur pérennité. La communication, la sensibilisation, la participation citoyenne et multi-générationnelle sont donc essentielles pour aboutir à une mise en oeuvre opérationnelle pérenne et acceptée par le plus grand nombre.
Pour aller plus loin…les apports du projet RESIST
Dans le cadre du projet européen RESIST, le territoire de Barentin a été retenu comme site pilote pour travailler à favoriser la mise en oeuvre des solutions fondées sur la nature (SFN) en encourageant les acteurs locaux à se saisir de ces solutions pour gérer les problématiques de ruissellement des eaux qui vont s’accentuer avec le changement climatique. Une modélisation hydraulique a déjà été réalisée pour évaluer les effets d’une pluie intense sur le territoire. Un jumeau numérique qui intègre cette enveloppe relative aux ruissellements est en cours d’élaboration. Il est prévu à terme de réaliser une nouvelle modélisation pour simuler l’effet de la mise en oeuvre de SFN ciblées sur le ruissellement. Intégrés dans le jumeau numérique, les résultats de cette modélisation permettront de visualiser plus concrètement les bénéfices des SFN et servir de support de sensibilisation auprès des élus ou dans le cadre d’actions de participation citoyenne.





