Les données
Il existe plusieurs moyens de travailler sur la pollution lumineuse. Il existe des images aériennes de nuit, des images satellites de nuit, cela peut être avec des mesures au sol, ou encore avec les données des parcs d’éclairage publics (les point géolocalisés de luminaires). Chacune de ces sources de données présente des avantages et des inconvénients1. Ceux-ci sont présentés dans le tableau suivant :
Sachant que chaque donnée présente des avantages et inconvénients, pour le travail sur le Pays Castelroussin la donnée satellitaire a été retenue, pour des raisons de disponibilité, de coût et de rapidité.
En plein développement ces dernières années, les données de vue satellites nocturnes peuvent provenir de plusieurs satellites différents. Ces satellites présentent des caractéristiques techniques différentes, donnant ainsi des résultats et utilisations différentes. Voici ceux qui seront utilisés dans ce travail :
VIIRS - Les images des satellites de la NASA embarquant le capteur VIIRS peuvent avoir une résolution de 400m et sont gratuites. Leur exploitation se fait donc pour une large échelle (nationale). Leur inconvénient provient du capteur qui capte peu ou pas du tout les longueurs d’ondes courtes (bleus, ultraviolets). Les éclairages étant de plus en plus en LED, et les LED possédant majoritairement une lumière riche en bleu, ces vues peuvent donner une fausse impression d’une baisse de pollution lumineuse
Luojia - En 2018 l’université de Wuhan a lancé ce satellite permettant des acquisitions de 130m de résolution. Les images sont gratuites mais disponibles uniquement sur l’année 2018, ne permettant pas un suivi dans le temps. Elles sont mises à disposition après traitement par le Cerema sur data.gouv.fr.
SDGSAT - Le satellite SDGSAT-1 de la Chinese Academy of Sciencse, lancé en 2021, permet d’obtenir des images couleurs à 10m de résolution (une bande panchromatique (444 - 910 nm) à 10 m de résolution spatiale et trois bandes multispectrales rouge (424 - 526 nm), verte (506 - 612 nm) et bleue (600 - 894 nm) à 40 m de résolution spatiale). Les données sont gratuites mais uniquement pour une utilisation à des fins de recherche ou d’utilité publique, non commerciale. Ces images permettent une analyse à l’échelle des rues.
Plus de données notamment techniques sur ces satellites sont disponibles dans le guide « Trame noire - Méthodes d’élaboration et outils pour sa mise en œuvre » de l’OFB et dans la fiche AUBE n°9 du Cerema.
Le Cerema s’est récemment lancé dans l’exploitation d’images de SDGSAT-1, il a donc été décidé de travailler avec cette donnée récente et relativement précise, dont la technologie est maîtrisée.
Certains paramètres seront tout de même observés à l’aide des satellites Luojia et VIIRS décrits ci-dessus. Le Cerema a donc acquis des dalles du satellite SDGSAT-1 sur le territoire du Pays dans le cadre de cette étude, avec un tampon de 5 km (en bleu) autour des communes (en rouge) :
Les images datent du 30/09/2023, et la couverture nuageuse semble très faible voire inexistante. Il n’y a donc pas de brouillage du signal lumineux. Après reprojection, la donnée est particulièrement bien calée, et le nouveau traitement du Cerema permet d’avoir une résolution de 10m même en couleur (extraits de la note de la production cartographique de radiance nocturne issue du satellite SDGSAT-1 effectuée sur le Pays Castelroussin Val de l’Indre).
Si la météo ne semble pas avoir d’effet sur ces images, il est important de préciser que la prise de vue n’est pas effectuée au nadir (aplomb, perpendiculaire) du point observé, il y a donc un angle de vue. Cet angle peut avoir un effet sur la lumière vue par le satellite, comme le montre l’image ci-contre.
La radiance
Les images obtenues représentent la radiance (ou luminance énergétique), c’est-à-dire la puissance d’un rayonnement émis par un élément de surface dans une direction donnée, donc perçue depuis un certain point d’observation, ici du satellite. En termes d’unité, il s’agit de la puissance du rayonnement par unité de surface et par unité d’angle solide, exprimée en nW/cm²/sr (watts par mètre carré et par stéradian).
Toutes les données disponibles ont été recherchées sur le territoire d’étude en termes de pollution lumineuse.
Il existe tout d’abord des sites internet permettant la visualisation de données satellitaires (VIIRS) ou de pollution lumineuse. Citons notamment https://www.lightpollutionmap.info ou encore https://darkskylab.com/light-pollution-platform/ .
VIIRS par Lightpollutionmap
Il permet la visualisation des données VIIRS, de faire une première analyse sur l’évolution dans le temps de la radiance sur une zone donnée, et affiche une carte de pollution lumineuse (World Atlas 2015).
D’après les données VIIRS, la radiance diminue d’environ 7% chaque année sur le territoire du Pays Castelroussin Val de l’Indre. Une analyse a été effectuée sur Châtellerault, une ville comparable à Châteauroux, et l’évolution était également similaire (environ 5% par an). Il est difficile d’expliquer cette baisse à partir de ces seules données. Rappelons que VIIRS n’est pas très sensible à la lumière bleue, cette évolution peut donc être en partie due au passage des lumières en LED (comportant plus de bleu), mais aussi à la rénovation vers des éclairages moins émetteurs. Sur l’évolution par année, on note une plus forte baisse en 2020, année du confinement où de nombreuses communes ont mis en place des extinctions nocturnes, par souci d’économie. La suite de l’étude permettra peut être de confirmer ou non cette hypothèse.
On note aussi dans le détail mensuel que sur les dernières années, une potentielle variation inter annuelle a lieu : un pic est observable au milieu de chaque année, en été, avant de redescendre. Cette variation se retrouve dans de nombreuses zones en France. Cependant l’explication est difficile et probablement multi factorielle (végétation/humidité, clarté du ciel, activités humaines…). Nous en resterons donc sur l’analyse annuelle.
Des analyses plus détaillées sont possibles avec le site https://lighttrends.lightpollutionmap.info.
Une autre information intéressante est la carte d’évolution par secteur :
On observe que de manière générale la radiance diminue (en vert) sur tout le territoire du Pays Castelroussin Val de l’Indre, sauf sur deux secteurs bien particuliers, au nord d’Etrechet sur la RD67 (secteur Ozans, Les Ménas), et sur la partie nord-est de Châteauroux, depuis l’aéroport Marcel Dassault, en passant par la RN151 jusqu’à Nieul.
VIIRS par DarkSkyLab
Le site du bureau d’étude DarkSkyLab permet la visualisation de la radiance par satellite VIIRS (2023 et 24 à la date du 13/08/2025) ainsi qu’une carte de pollution lumineuse diffuse de 2023 et 2024.
Cette carte de pollution lumineuse extraite du site de Dark Sky Lab semblent montrer que Châteauroux a des valeurs élevées en terme de pollution lumineuse. En effet sur la carte 2024, la zone en rouge vif (sous environ 19,5 mag/arcsec²), ce qui signifie que le ciel est très peu visible et qu’il y a donc une forte pollution lumineuse, est bien marquée sur Châteauroux alors qu’elle n’existe pas sur Châtellerault, Saint-Amand-Montrond et même Poitiers, secteur pourtant plus peuplé. Une telle tâche rouge vif se retrouve seulement sur Bourges ou Tours, qui sont bien plus importantes.
En utilisant l’outilprésenté dans le chapitre “Pratiques d’éclairage sur le territoire du pays” plus bas (donnée VIIRS), la moyenne de la radiance par commune est relevée pour approcher l’objectivation de cette observation. Depuis 2024, Châteauroux se situe entre 10 et 15 nW/sr/cm², Tours entre 15 et 20, Poitiers entre 5 et 10, Châtellerault en dessous de 6, Vierzon sous 3, Saint-Amand-Montrond entre 6 et 10 nW/sr/cm².
En utilisant la donnée Luojia de 2018, Châteauroux obtient 32, Châtellerault 7, Poitiers 21, Tours 36, Vierzon 4, Bourges 20, Saint-Amand-Montrond 8 nW/sr/cm².
Ces écarts s’expliquent par la précision de la donnée, les extinctions et/ou rénovations sur les communes, les dates différentes des sources. Cependant Châteauroux ressort toujours comme la commune avec la radiance la plus élevée derrière Tours.
Luojia
La donnée Luojia peut aussi être représentée sur le territoire du pays, comme le montre l’image ci-dessous. On note également une zone des valeurs les plus élevées (au-dessus de 200 nW/cm²/sr, tirant sur le noir) plus large sur Châteauroux que sur les grosses communes des départements limitrophes comme Poitiers, Châtellerault ou encore Saint-Amand-Montrond et Bourges. Cette zone correspond pour Châteauroux au centre-ville entre la gare et l’Indre.
Ces différences sont facilement visualisables sur la page internet du Cerema : https://cartagene.cerema.fr/portal/apps/dashboards/07c0494f288d476bb21fbda536730988.
Ces éléments semblent montrer que le secteur de Châteauroux émet plus de pollution lumineuse que des villes comparables alentours.
Dans la carte ci-dessous, vous pouvez utilisez l’outil rechercher (la loupe), pour rechercher le nom d’une commune et zoomer directement dessus.
Sur les cartes suivantes les données Luojia (les carrés de 130m de côté, 2018) et SDGSAT (20m, 2023) sont superposées pour montrer d’une part l’évolution de la radiance (par exemple s’il y a eu de l’extinction, la création d’un nouveau quartier…), d’autre part cela montre la différence de résolution et le rendu différent suivant la résolution. Par exemple une radiance faible peut disparaître si la résolution est trop faible, mais apparaître sur une résolution plus forte.
Si sur Buzançais il y a des routes ou quartiers qui n’apparaissent pas avec Luojia, sur Châteauroux la corrélation est plus correcte. Il faudrait rechercher si des nouveaux quartiers se sont construits, si les luminaires ont été remplacés, ou simplement si les horaires de passage du satellite ne correspondent pas à une extinction sur certains quartiers.
L’analyse opposée est aussi vraie, il y a des zones plus foncées avec Luojia alors que SDGSAT ne fait apparaître aucune donnée particulière. Cependant globalement la correspondance est plutôt bonne.
SDGSAT
Une carte interactive de la donnée SDGSAT est disponible dans l’onglet Analyse de la radiance (lien).
Sur cette carte à large échelle on observe les principales sources de radiance du Pays Castelroussin Val de l’Indre : Buzançais à l’ouest, Villedieu-sur-Indre et Niherne au centre mais surtout Châteauroux et toutes les communes alentour à l’est. Une analyse plus détaillée est effectuée chapitre 4. Cette carte pourrait d’ailleurs constituer une trame noire par négatif, en enlevant toutes les parties de la TVB ou de la radiance est présente.
Pratiques d’éclairage sur le territoire du Pays Castelroussin Val de l’Indre
Le Pays Castelroussin Val de l’Indre, pour cette étude, a transmis un questionnaire sur les pratiques d’éclairage aux communes membres.
Cette figure représente donc les communes ayant éteint ou non leurs lumières lors du passage du satellite SDGSAT, et ne répond donc pas seulement à la question « est ce que la commune pratique l’extinction ?». Toutes les communes du pays pratiquent l’extinction en cœur de nuit, suivant des modalités différentes (horaire, saisonnalité, secteurs…).
Le Cerema a également mis en ligne (août 2025) une carte présentant les évolutions de l’éclairage par commune au niveau national depuis 2014 : https://cartagene.cerema.fr/portal/apps/dashboards/e811c1f42ea846a68dedcf94946dc5a3.
Cette carte interactive permet aussi de montrer les évolutions de radiance de commune ou plusieurs communes en les sélectionnant.
Comme toutes les communes pratiquent l’extinction, cette carte renseigne surtout sur l’évolution dans la pratique d’extinction, son ancienneté… Les communes peuvent comparer ces résultats et leur connaissance. En cas d’erreur, contacter satellite@cerema.fr pour améliorer la méthode de détection.
Ces données vont permettre d’analyser, avec les données milieu naturel, où se situent les principaux points de conflits sur le territoire du Pays Castelroussin Val de l’Indre.
References
Footnotes
https://www.patrinat.fr/sites/patrinat/files/atoms/files/2018/11/patrinat_2018_-107-_180613_indicateurs_nationaux_pollution_lumineuse.pdf↩︎